Quelques rappels

Quelques rappels

La genèse de Pelléas

Claude Debussy assista à la création de la pièce de Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, par la troupe d’Aurélien Lugné-Poe au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 17 mai 1893. Sans doute le texte pour lequel il ressentait une profonde affinité, lui était-il déjà connu par son édition originale parue l’année précédente. Et c’est le 8 août 1893, alors qu’il était accaparé par la composition retardée de plusieurs de ses œuvres – orchestration de la Marche écossaise, Quatuor à cordes, Proses lyriques, Rodrigue et Chimène finalement délaissé – Debussy obtint de Maeterlinck l’autorisation de mettre Pelléas et Mélisande en musique.

Pelléas et Mélisande, acte II, sc. 3, 6e tableau, la grotte, Mary Garden (Mélisande), Jean Périer (Pelléas), décor d'E. Ronsin, Théâtre national de l'Opéra-Comique, avril 1902, illustration parue dans Le Théâtre, n°84, juin 1902 (II), p. 15.

La chronologie des progrès de la composition de l’œuvre qui s’ouvre à l’automne 1893 et se referme en août 1895 a pu être précisément reconstituée grâce aux nombreuses correspondances et manuscrits en particelles (esquisses développées) conservés. Au-delà de la complexité que représentait la mise en musique des mots de Maeterlinck, le long travail d’élaboration de cet opéra s’explique également par le fait que Debussy dut mener parallèlement plusieurs chantiers. En effet, en septembre 1894, tandis qu’il achevait l’Acte III, il travaillait à la composition des trois Nocturnes pour violon et orchestre à l’intention d’Eugène Ysaÿe, et à l’orchestration du Prélude à l’après-midi d’un faune. Et sans doute la composition de Pelléas fut-elle encore retardée par celle des trois Images pour piano… Assurément, comme le souligne D. Grayson « Pelléas a mis longtemps à atteindre la scène ». Entre 1895 et 1900, plusieurs projets de présentation en France comme en Belgique n’aboutirent pas et il fallut encore à Debussy attendre une année avant qu’il ne reçoive du directeur de l’Opéra-Comique, Albert Carré (1852-1938), l’engagement écrit que Pelléas serait monté au courant de la saison 1902.

Cette heureuse perspective imposait que le compositeur puisse fournir à l’éditeur Eugène Fromont (1852-1927) une partition chant-piano de son opéra. La genèse de cette partition est désormais bien connue et exposée dans la préface que D. Grayson a livré en ouverture de l’édition critique qui constitue le volume 2ter de la Série des Œuvres Lyriques dans l’édition monumentale de l’Œuvre de Debussy (Paris, Durand, 2010). Le musicologue y décrit toutes les étapes qui aboutirent au dépôt légal de la partition le 3 mai 1902, soit trois jours après la première (30 avril). Les chanteurs créateurs de l’œuvre sur la scène de l’Opéra-Comique apprirent donc leur rôle grâce à des épreuves de cette édition. Les deux jeux d’épreuves dites « Périer » tiennent leur nom du ténor Jean Périer (1879-1954), qui fut le premier Pelléas. Elles comportent des changements introduits dans la partie vocale avec l’accord de Debussy, probablement au cours des répétitions. Le compositeur avait en effet pour habitude d’adapter sa partition selon les dispositions vocales de ses interprètes. Mentionnons également à cet égard la version adaptée pour le ténor belge Edmond Clément (1867-1928), créateur du rôle de Pelléas à Bruxelles en 1906.

Si au moment de son passage à la scène l’œuvre subit des ajouts, des coupures, voire des changements imposés par la censure (acte III sc.4 en particulier), ceux-ci n’affectèrent jamais la partition chant-piano.

De la source à la scène

De la source

à la scène

C’est au piano que Debussy a d’abord composé Pelléas. Puis dans l’attente de la voir portée à la scène, c’est dans des cercles amicaux qu’il offrit la primeur de son œuvre, chantant tous les rôles en s’accompagnant au piano. Aussi avant même que l’orchestration de l’opéra ne soit aboutie, « Debussy était parfaitement apte à “improviser” une transcription pour piano solo » (Grayson). Devant la beauté de l’écriture pianistique de sa partition pour chant et piano, il est bien difficile de qualifier celle-ci de « réduction ». À la connotation simplificatrice implicite du terme s’ajoute le fait que la partition chant-piano précéda l’orchestration proprement dite.

Claude Debussy chez Chausson à Luzancy, 1893 (détail). Entouré par Henry Lerolle et Ernest Chausson. Photo d.r.

Comme la partition d’orchestre, celle pour chant-piano connut une série de réimpressions et de nouvelles éditions qui témoignent des nombreux changements intervenus tant dans les parties vocales que dans la substance de l’accompagnement et les indications d’expression (nuances, tempi…). Éditées d’abord par Fromont, les partitions de Pelléas – chant-piano (1902), orchestre (1904) – passèrent au catalogue de Durand en mars 1905. En février suivant, une nouvelle partition chant-piano paraissait chez cet éditeur, suivie encore en janvier 1907 d’une réimpression révisée qui tenait compte des corrections et dernières modifications apportées à la partition d’orchestre. Il convient également d’ajouter que les nombreuses représentations de Pelléas à l’étranger ont suscité la publication de partitions chant-piano avec des paroles diverses en langues étrangères – allemand (1906), français-anglais (1907), italien (1907)…

Depuis 2010 et l’édition établie par D. Grayson (Paris, Durand, 2010) chanteurs et pianistes disposent d’une partition chant-piano de Pelléas et Mélisande conforme à la partition d’orchestre et accompagnée d’un apparat critique qui retrace la genèse de cet objet complexe mais ô combien captivant.

La mise en scène

Leiser/Caurier

La mise en scène

Leiser/Caurier

Un nouveau projet de l’Unité Scénique de Royaumont

Depuis 2018, la Fondation Royaumont a l’honneur d’accueillir les metteurs en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier lors de sessions de formation scéniques à destination de jeunes chanteurs. Ce duo légendaire de l’opéra a mis en scène plus d’une centaine d’œuvres lyriques sur les plus grandes scènes internationales (Covent Garden, le festival de Salzbourg, le Theater an der Wien, l’Opéra de Lyon…).

En 2021, ils ont accepté un nouveau projet avec Royaumont : monter le chef d’œuvre de Debussy, Pelléas et Mélisande, dans la version originale de chambre pour un seul piano, avec des jeunes chanteurs. Si les moyens scéniques de la production seront relativement réduits, les metteurs en scène ont exigé une longue période de répétitions permettant un travail théâtral des plus exigeants. Le projet a l’objectif de révéler les grands chanteurs de demain.

Patrice Caurier et Moshe Leiser à Royaumont pendant les sessions de travail de Pelléas et Mélisande, 2022, d.r..

Moshe Leiser et Patrice Caurier à propos de Pelléas

« Il y a vingt ans nous avions mis en scène l’opéra de Debussy au Grand Théâtre de Genève. Louis Langrée dirigeait et Simon Keenlyside, Alexia Cousin et José Van Dam, entre autres, faisaient partie de cette exceptionnelle distribution. Vingt ans plus tard, l’émotion de ce spectacle reste intacte pour tous ceux qui y ont participé et pour ceux qui ont pu le voir. Alors pourquoi y revenir ? »

« Le projet qui nous occupe avec la Fondation Royaumont sera bien évidemment différent. Il n’y aura pas ici d’orchestre : nous jouerons la version pour piano écrite par Debussy lui-même. Travailler avec une nouvelle génération de chanteurs est l’occasion de faire accéder les spectateurs au plus près de ce qui est pour nous l’essence de l’art lyrique : porter les mots du poète par la musique. Démontrer, pour ceux qui en douteraient encore, que l’opéra est avant tout théâtre. José Van Dam nous disait : « chanter, c’est parler un peu plus haut ». »

« On ne saurait mieux dire. Les passions interdites décrites par Maeterlinck et transfigurées par la musique de Debussy forment un cocktail explosif. Comme une grenade dégoupillée : on ne distingue rien encore, mais le carnage est imminent. Rendre palpable cette tension, donner corps à cette histoire d’amour, de jalousie, d’oppression et de meurtre est un travail passionnant et le présenter sous une forme d’opéra de chambre permettra, nous l’espérons, aux spectateurs d’éprouver, vingt ans après nous, le même choc que celui que nous avions éprouvé devant la violence de cet opéra qui parle du désir comme aucun autre. »

Pelléas à l’Athénée

Distribution

Pelléas, petit-fils d’Arkel : Jean-Christophe Lanièce (baryton)
Mélisande : Marthe Davost (soprano)
Golaud, petit-fils d’Arkel et demi-frère de Pelléas : Halidou Nombre (baryton-basse)
Arkel, roi d’Allemonde : Cyril Costanzo (basse)
Geneviève, mère de Golaud et Pelléas : Marie-Laure Garnier (soprano)
Yniold, fils de Golaud : Cécile Madelin (soprano)
Pianistes (en alternance) : Martin Surot et Jean-Paul Pruna

Equipe création et technique en tournée

Metteurs en scène : Patrice Caurier et Moshe Leiser
Assistant à la mise en scène : Arthur Hauvette
Préparation musicale : Jean-Paul Pruna/Martin Surot
Créateur lumières : Christophe Forey
Régisseur lumières : Christophe Forey
Régisseur général : Patrick Olivier
Costumière/habilleuse : Sandrine Dubois

Production déléguée : Fondation Royaumont
Coproducteurs : Châteauvallon-Liberté, scène nationale ; Points communs- Nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise/ Val d’Oise ; Centre des bords de Marne, Scène conventionnée d’Intérêt National – Art et Création du Perreux-sur-Marne ; La Scène nationale d’Orléans ; Le Parvis, scène nationale Tarbes Pyrénées ; Vichy Culture, Opéra de Vichy ; Clermont-Auvergne Opéra ; Théâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet
Mécène : avec le généreux soutien d’Aline Foriel-Destezet