François Lang,
la trajectoire d’un artiste
La trajectoire
d’un artiste
Le pianiste
La trajectoire artistique de François Lang s’apparente à celle d’un météore. Né le 27 février 1908, il meurt tragiquement assassiné à Auschwitz dans les premières semaines de janvier 1944, victime de la barbarie nazie à l’aube de sa trente-septième année… Au cours de sa courte carrière de pianiste et d’organiste, il parvient néanmoins à se hisser au rang des figures les plus prometteuses de la scène musicale française et internationale de l’entre-deux guerres.
François Lang à l’orgue et au piano, s.d. (coll. particulière).
Il fut élevé, comme sa sœur aînée Isabel (1906-1988), au sein d’une famille juive d’industriels fortunés au sein de laquelle le goût pour la musique était cultivé avec passion. Son père Alfred Lang (1872-1939), arrière petit-fils du fondateur de la société de tissages nancéiennes Les Fils d’Emanuel Lang, avait épousé Esther Cahn (1876-1924), laquelle appartenait à la famille des fondateurs de la Banque Lazard et était apparentée notamment au financier et grand collectionneur d’art David David-Weill (1871-1952).
L’apprentissage musical de François Lang se fit d’abord dans le cercle familial fréquenté par quelques figures illustres tels que le chef d’orchestre et compositeur Paul Paray (1886-1979) ou l’organiste Marcel Dupré (1886-1971). Mais c’est surtout auprès de Marguerite Godchaux-Hullmann (1856-1932), elle-même ancienne élève de Delaborde au Conservatoire, qu’il reçut son premier enseignement pianistique qui lui permit d’intégrer la classe de Lazare-Lévy au Conservatoire en 1923. Sa scolarité dans cet établissement fut néanmoins de courte de durée puisqu’il en démissionna deux ans plus tard. Cela ne l’empêcha pas de poursuivre son apprentissage auprès du pianiste espagnol José Iturbi (1895-1980) et d’embrasser une carrière professionnelle que seule la tragédie de la Guerre brisa nette l’ascension. A partir de 1928, F. Lang se produit en France tant à Paris qu’en province, dans les répertoires soliste et concertant ou en formation de chambre. Puis dès l’année suivante, il est invité à se produire à l’étranger : Belgique, Hollande, Allemagne… Curieux par nature et éclectique dans ses choix, son répertoire soliste comprend les œuvres de compositeurs « baroques » tels Bach ou Scarlatti mais est surtout dominé par les grandes figures du romantisme, Schubert, Chopin, Liszt, Schumann, Brahms ainsi que les composteurs plus proches de lui tels que les Chabrier, Debussy, Ravel ou les espagnols Albeniz et Falla…
Photos dédicacées par José Iturbi et Pierre Monteux à François Lang en 1929 (coll. particulière).
Bénéficiant du précieux parrainage, artistique autant que musical, du grand chef d’orchestre Pierre Monteux (1875-1964), François Lang joua régulièrement accompagné par l’Orchestre symphonique de Paris et l’accompagna notamment en tournée en Allemagne en 1931. Mais le jeune pianiste joua également sous la direction d’Igor Markévitch (1912-1983), Francesco Molinari-Padrelli (1911-1996), Albert Wolff (1884-1970), Philippe Gaubert (1879-1941), Désiré-Emile Inghelbrecht (1880-1965) ou Gaston Poulet (1892-1974). Il possédait à son répertoire seize concertos, soit les n° 3, 4, 5 de Beethoven, les K. 466, K. 482, K. 488 de Mozart, le Hob. xvii 11 de Haydn, les deux Concertos de Liszt et sa Symphonie hongroise, les Concertos de Schumann et de Grieg, les Variations symphoniques de Franck, mais encore le Concerto n° 1 de Brahms et la Symphonie sur thème montagnard de d’Indy ainsi que le 1er Concerto de son amie Germaine Tailleferre (1892-1983).
Au rang de ses amitiés musicales, il convient encore de citer les noms du ténor Hugues Cuenod (1902-2010) et de la soprano Ninon Vallin (1886-1961) qui l’accompagna fréquemment dans des récitals de mélodies. Mais aussi les violoncellistes Maurice Gendron (1920-1990) et Gérard Hekking (1879-1942) ou encore le violoniste Zino Francescatti (1902-1991). Musicien de son temps, François Lang créa le 3 mai 1934, le Concerto pour deux pianos, voix et orchestre de son amie Germaine Tailleferre. Celle-ci lui dédia une Berceuse en septembre 1935, qu’il créa en concert à Londres en septembre 1936, et composa pour lui des cadences pour le Concerto K. 482 de Mozart et le Concerto en ré Majeur de Haydn.
Signalons encore que Reynaldo Hahn lui dédia en 1943 une jolie pièce pour piano jusqu’alors inédite intitulée Mignoumineck du nom du chien favori du compositeur. Le manuscrit offert à la Bibliothèque musicale François-Lang par la nièce du pianiste au cours de l’été 2019 va faire l’objet d’une édition à paraître au cours de l’année 2024. Cette composition témoigne de l’ultime période de la carrière de François Lang, celle de l’Occupation qu’il passa après sa démobilisation, entre 1941 et 1943, sur la côté méditerranéenne, dans une villa d’Antibes, « La Casa d’Angolo », qui fut son havre de paix au temps de ces heures sombres. Durant cette période, il poursuivit son activité de concertiste au profit d’associations de bienfaisance et d’aides aux intellectuels et artistes. Ainsi, le 19 juin 1941 il participait avec Ninon Vallin et Reynaldo Hahn à un concert au bénéfice de l’association « Pour que l’Esprit vive ». En octobre 1943, après la réquisition de sa villa antiboise par les troupes allemandes, il dût se résoudre à reprendre la fuite, d’abord vers Tarascon puis à Grenoble. C’est là que le 26 novembre 1943, il fut arrêté par la Gestapo et incarcéré. Rapidement transféré au camp de Drancy, il fut déporté pour Auschwitz le 7 décembre par le convoi n°64 où il mourut assassiné dans les premières semaines de janvier 1944. Un météore avait passé dans le ciel de la vie artistique et avait été précipité dans la nuit.